EnobraQ - Développement d'une levure pour capturer et recycler le CO2

- EnobraQ - Développement d'une levure pour capturer et recycler le CO2

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En novembre dernier, Toulouse White Technology (TWB – CNRS/Inra/Insa Toulouse), démonstrateur préindustriel favorisant le développement d’outils biotechnologiques et de procédés innovants, annonçait la création de la société EnobraQ qui met au point une levure capable d’utiliser le CO2 et de le transformer en molécules d’intérêt pour l’industrie chimique. Ce procédé a été développé par l’équipe de Denis Pompon, directeur de recherche émérite au CNRS au sein du Laboratoire d’ingénierie des systèmes biologiques et des procédés (LISBP – CNRS/Inra/Insa Toulouse). Il a accepté de nous en dire plus sur l’histoire de ce projet.

 

Parlez-nous des travaux de recherche de votre équipe ?

Les travaux de l’équipe que j’ai dirigé à Gif-sur Yvette, puis plus récemment à Toulouse, ont toujours été à cheval entre la recherche fondamentale et le monde industriel. Nous avons notamment, dans notre unité d’origine : le « centre de génétique Moléculaire », initié puis développé, un des deux premiers exemples majeurs d'application des biotechnologies en pharmaceutique avec le développement de la biosynthèse de l'hydrocortisone. Ce fut le premier exemple connu de développement complet d’une voie biologique de synthèse totale dans un micro-organisme  d’une molécule complexe pour remplacer la synthèse chimique traditionnelle. Un procédé aujourd’hui commercialisé par Sanofi.  

En 2011, le transfert de notre équipe « Ingénierie Moléculaire et Métabolique », au LISBP a coïncidé avec la création de la structure Toulouse White Technology (TWB) dans le cadre des projets « Investissements d’Avenir ».  Le projet CarboYeast est né lors du lancement du premier appel à projets de recherche précompétitifs de TWB visant le développement de nouvelles technologies de rupture en biotechnologie « blanche ». Ce projet que je coordonnais avec mon équipe impliquait  aussi deux autres équipes de recherche du LISBP (« Ingénierie et évolution des voies métaboliques chez les procaryotes » et « Fermentation Advances and Microbial Engineering ») aux compétences complémentaires et a aussi bénéficié d’un soutien financier marqué de la région Midi-Pyrénées.  

 

En quoi consistait votre projet Carboyeast ?

Le projet Carboyeast partait d'une idée un peu folle, ou en tout cas bien au-delà de l’état de l’art, de concevoir le premier organisme eucaryote capable de se développer uniquement à partir du gaz carbonique industriel ou atmosphérique comme source de carbone et d’hydrogène comme source d'énergie, indépendamment de toute autre ressource organique. De telles propriétés existent naturellement parmi des organismes beaucoup plus simples, notamment des bactéries particulières qui vivent au fond des océans ou dans des environnements extrêmes, mais qui sont difficiles à modifier génétiquement pour produire des substances d’intérêt et peu ou pas adaptés aux procédés industriels. L'idée était donc d’inverser le problème en rendant un micro-organisme industriel très bien maitrisé et inoffensif, la levure, capable de se développer et de produire une large gamme de molécules chimiques à partir  de CO2 et d'énergie renouvelable. Nous avons privilégié l’hydrogène à l'électricité car il est plus facile à mettre en œuvre en termes de procédés. L’hydrogène peut lui-même être produit à partir d’électricité ou de lumière par électrolyse ou par photolyse catalytique de l’eau et son utilisation ne génère pas de gaz à effet de serre.

Pour créer cet organisme, il nous fallait récupérer dans tout le monde vivant, et surtout adapter à la levure, les nombreux gènes et enzymes qui permettent de reconstruire ces propriétés. Le projet a donc inclus trois volets dédiés respectivement à  la capture réductive du CO2, à la génération d’énergie intracellulaire par oxydation de l'hydrogène, et finalement au couplage métabolique et énergétique de ces deux classes de réactions.

 

Comment en êtes-vous arrivé à la création de la start-up EnobraQ ?

Dans le cadre du financement de TWB, nous avons a travaillé sur ce projet pendant deux ans et demi, au bout desquelles nous avions assez de preuves de concept et surtout pris plusieurs brevets pour convaincre un industriel, SOFINNOVA, de prendre le relais pour créer, avec TWB, la société EnobraQ. Je suis actuellement, comme les équipes du LISBP ayant travaillé sur le projet, conseiller scientifique à fois pour la société et pour TWB tout en maintenant des activités de recherche dans mon équipe. L’objectif est maintenant de passer des preuves de concept à des démonstrateurs pour l’exploitation d’un organisme issu de la Biologie de Synthèse et capable de se développer avec du CO2 et de l’hydrogène. L’objectif à terme est de développer industriellement la production de bioproduits (biocarburant, polymères, synthons pour la chimie,  etc.) à partir de  ressources renouvelables sans impact carbone et sans compétition avec l’utilisation alimentaire des  ressources agricoles.

 

Crédit photo : DR

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